Il était une fois un pauvre village de la haute montagne écrasé de peines et de misères. Au-dessus du village, un rocher présentait, grâce au hasard de l’érosion, le profil d’un très beau visage masculin et la légende courait parmi les villageois : le jour où se présentera dans notre communauté l’homme à la ressemblance du rocher, ce sera lui ! Vite il faudra le porter en triomphe et en faire notre roi. Il sera le libérateur de toutes les misères.
Le petit pâtre du village, tout en surveillant le troupeau communal en transhumance, ne cessait de regarder et de contempler le mystérieux rocher pendant les semaines et les mois de sa solitude au milieu des bêtes. A la fin de l’été, au jour du retour, quelle ne fut pas la surprise des villageois en le voyant revenir parmi eux. C’était la réplique vivante du rocher miraculeux. A force de le contempler, il avait fini par lui ressembler. On se précipite. On arrache le petit pâtre de son troupeau. On le porte en triomphe. On le met à la tête du village. C’est lui le Roi, le Sauveur. Désormais, il est là ; le bonheur est assuré au village.
Cette parabole du berger alpin est une image de la prière : “le regard intérieur que nous portons sur le Seigneur dans la prière finit par modifier nos propres traits. A force de regarder le Seigneur, quelque chose de Lui finit par habiter en nous, par transparaître et par devenir présent aux autres.”
François Bécheau, s.j., Pourquoi prier, Revue Christ, Source de vie, octobre 1978