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Ouverture de l'année jubilaire le dimanche 4 décembre 2005
1200 personnes pour la messe d'ouverture à l'église des Jésuites à Paris, Saint-Ignace. La célébration était présidée par le Provincial de France, François-Xavier Dumortier.

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C’est la figure de Jean-Baptiste que la liturgie de l’Eglise nous appelle aujourd’hui à regarder et à écouter – aujourd’hui où nous entrons dans cette année jubilaire qui commémore le 450ème anniversaire de la mort de saint Ignace et le 500ème anniversaire des naissances de saint François-Xavier et du bienheureux Pierre Favre.

Jean-Baptiste, c’est celui qui se laisse saisir par l’Esprit de Dieu et conduire là où il ne pensait pas. Il quitte tout ce qui lui était habituel pour vivre au désert du peu que permet l’austérité du lieu. Et il éprouve la liberté de qui comprend qu’il ne sera jamais vraiment libre loin de Dieu cherché, aimé et servi. C’est la même force de Dieu qui a saisi Ignace, François-Xavier et Pierre Favre, leur a fait quitter les routes qu’ils envisageaient de parcourir pour les lancer sur les chemins du monde, à travers ces déserts modernes que peuvent être villes et sociétés quand l’aridité du cœur s’ajoute à la suffisance de l’esprit. Et, dans ce départ qui est sans retour, ils peuvent dire et nous pouvons dire à leur suite : « toi, Seigneur, qui as touché mon cœur par ta grâce, accorde-moi ton amour ; c’est assez pour moi ».

Jean-Baptiste, c’est cette voix libre et audacieuse que rien n’arrête car, s’il se taisait, il se nierait lui-même. Il est la voix qui ne craint pas de dire la Parole de Dieu : « élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Elève la voix, ne crains pas » nous disait le livre d’Isaïe. Ignace – comme pèlerin et jusque dans sa correspondance à Rome –, François-Xavier dans ses multiples voyages et jusqu’aux portes de la Chine -, Pierre Favre sur les routes d’Europe et jusque sur les chemins intérieurs qui sont ceux de l’accompagnement spirituel –, tous trois nous montrent l’ardent désir d’être une voix, de dire à chacun la proximité de Dieu : « c’est Lui qui s’est fait proche de toi ; c’est Lui qui s’est fait proche de nous ».

Jean-Baptiste, c’est l’homme de Dieu qui regarde les foules, qui leur parle sans complaisance, qui les appelle à la conversion et qui les baptise. Et comment ne pas comprendre que, dans sa prédication, résonnait ce que nous avons entendu du livre d’Isaïe : « consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem ». Ainsi, de même, dès les débuts, Ignace, François-Xavier, Pierre Favre ont vécu, sans s’économiser et jusqu’à l’usure de leurs forces, le désir d’être des hommes de tous, d’être des hommes pour tous,« d’aider les âmes » comme aimait à le dire Ignace. Il s’agissait et il s’agit de se faire proches des bien-portants comme des malades, des puissants comme des marginaux, des hommes qui construisent le monde comme de ceux qui en sont exclus. Car le chrétien est le frère de tous. C’est à tous qu’est portée la parole du Seigneur : « tu as du prix à mes yeux » et c’est au messager de Dieu d’exprimer cette consolation qui vient du Seigneur.

Jean-Baptiste, c’est le témoin qui manifeste combien et comment l’absolu de Dieu peut s’exprimer dans une vie d’homme en la transformant et en la transfigurant. Il témoigne, avec une force particulière, de l’urgence de l’aujourd’hui : certes, l’avenir appartient à Dieu, mais le présent est le temps de la tâche de l’homme qui « prépare les chemins du Seigneur ». Ignace, François-Xavier et Pierre Favre ont été, en leur temps, et nous appellent, dans le nôtre, à être des témoins de ce que Dieu accomplit déjà et promet encore – « ce ciel nouveau et cette terre nouvelle où résidera la justice » comme nous l’avons entendu dans la deuxième lettre de Pierre. Et ce témoignage est à rendre aujourd’hui, car c’est aujourd’hui que le Seigneur nous appelle et nous envoie.

Jean-Baptiste est celui qui annonce le Christ : « voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi ». Il suscite le désir du Christ ; il éveille l’attente de Celui qui vient – et, par là, il prépare les cœurs à Le recevoir. Ignace, François-Xavier et Pierre Favre ont été ces hommes qui ont compris – et nous font comprendre à travers l’expérience des Exercices spirituels – combien le désir de Dieu doit être, en tout homme, libéré de ce qui l’entrave ou l’empêche pour accueillir ce que le Seigneur l’appelle à être et à vivre. C’est le chemin du « magis »... Comme eux, nous avons à être à la recherche du « magis » dans ces petites choses qui font la vie ordinaire comme dans nos projets et nos initiatives. La gloire de Dieu toujours plus grande, un service des hommes toujours plus authentique, la recherche de ce qui est le plus universel, le désir que tout homme soit toujours davantage lui-même… le « magis » ne nous laissera pas plus en repos que le Seigneur n’avait de pierre où reposer la tête.

Jean-Baptiste est celui qui s’efface pour permettre que le Christ rencontre chacun et tous sans que personne ne fasse obstacle. Il accomplit toute sa tâche en préparant et en désignant le chemin… mais il sait qu’il n’est ni le chemin, ni le pèlerin sur le chemin. Le Seigneur rencontre chacun seul à seul : c’est ce face à face, ce cœur à cœur qu’il importe de permettre. Et n’est-ce pas là encore l’expérience spirituelle qui a façonné Ignace, François-Xavier et Pierre Favre et qui conduit à contempler avec un immense respect la rencontre unique, bouleversante et mystérieuse de l’homme avec le Christ ? N’est-ce pas là le moment où l’accompagnateur, tel Jean-Baptiste, se retire pour laisser la créature avec son Créateur lui « parler comme un ami parle à son ami » ?

C’est ainsi que nous pouvons et pourrons devenir « amis dans le Seigneur ». C’est l’amitié d’hommes et de femmes qui se sont laissé saisir par l’Esprit de Dieu pour être des voix qui parlent là où bruit et mutisme sont les déserts d’aujourd’hui ; c’est l’amitié d’hommes et de femmes que le Seigneur tourne vers tous, quels que soient les horizons d’où ils viennent, et qui ont à témoigner du Christ proche de chacun ; c’est l’amitié d’hommes et de femmes qui se laissent façonner par ce désir de Dieu qui les mène toujours plus loin et qui savent s’effacer pour que le Seigneur devienne tout en tous ; c’est l’amitié d’hommes et de femmes qui ont à manifester combien l’amour du Christ peut toucher un cœur humain et l’ouvrir à ce service de Dieu et des hommes qui est sans limite et sans fin.

François-Xavier DUMORTIER, s.j.


Eglise St Ignace, le 4 décembre 2005


Textes de la liturgie : Is 40 1-5, 9-11
2 P 3 8-14
Mc 1 1-8